Réussite en milieu scolaire et inégalités sociales

L’Insee est catégorique, la France a encore du chemin à parcourir en la matière : à l’âge de 15 ans, l’Hexagone est l’un des pays d’Europe où les inégalités sociales de résultats scolaires sont les plus fortes. Malgré une massification scolaire incontestable qui a permis un accès généralisé à l’éducation, la question de l’égalité des chances devant le diplôme et l’emploi reste donc à débattre. En effet, la démocratisation quantitative de l’école n’a pas nécessairement engendré une démocratisation qualitative. Trois types d’écarts sont ainsi à déplorer : la réussite et l’échec scolaires, l’orientation et, enfin, les rendements des diplômes dans le monde professionnel. Ces disparités, le plus souvent en corrélation avec l’origine sociale, mettent en lumière l’échec de notre système éducatif à équilibrer les chances de réussite entre tous les élèves. Décryptage !

Les inégalités de réussite scolaire : une réalité pesante

L’un des marqueurs les plus parlants des inégalités scolaires est à chercher au niveau de la réussite, ou l’échec, au sein du système éducatif. Taux de redoublement, orientation non choisi… autant d’indicateurs qui mettent en exergue des disparités de plus en plus criantes. Donc oui, l’origine sociale impacte (lourdement) la réussite scolaire, la preuve en chiffres : selon l’Observatoire des inégalités, 10,4 % des enfants d’ouvriers ont dû redoubler au moins une fois avant leur entrée en 6e, là où les enfants de cadres ou d’enseignants sont respectivement 1,9 % et 1,7 % à le faire.

Attention, l’absence de redoublement ne suffit pas à substancer la réussite scolaire, encore faut-il que l’élève atteigne un haut niveau d’études de type bac+3 au minimum. Sur ce point aussi, les inégalités sont frappantes : toujours selon l’Observatoire des inégalités, la probabilité pour un enfant d’ouvrier d’obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur (bac+3 ou plus) est deux fois moins élevée que pour un enfant de cadre ! Mais quid de l’échec scolaire ? Commençons par rappeler qu’à l’inverse de la réussite scolaire, l’échec se traduit par des difficultés face aux apprentissages fondamentaux, ou pas un départ de l’école sans diplôme. Là encore, les chiffres sont assez révélateurs : selon une étude menée par l’Insee en 2019, 17 % des sortants sans diplôme sont des enfants d’ouvriers, contre seulement 5 % d’enfants de cadres.

Ce n’est pas fini : alors que les élèves français issus de milieu favorisé affichent un score moyen en compréhension de l’écrit similaire aux Suédois et aux Anglais, ceux qui viennent d’un milieu défavorisé ont un niveau inférieur de 17 et 28 points, respectivement. En France, l’écart est de 107 points entre les élèves issus de milieu dit aisé et leurs homologues défavorisés.

L’origine sociale pèse-t-elle sur le choix d’orientation des élèves ?

Il n’y a pas de doute à avoir : l’environnement familial des élèves influence leur parcours scolaire, et notamment leur choix d’orientation, mais aussi l’acquisition de connaissances et le niveau de diplôme en sortie du système éducatif. C’est en tout cas ce que révèle une étude menée par l’Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville), qui note que l’origine sociale joue un rôle indéniable dans le choix d’orientation des élèves. Ainsi, 70 % des collégiens résidant dans les quartiers d’éducation prioritaire interrogés ont indiqué que leur famille est le principal influençant dans leur choix d’orientation, devançant largement les enseignants et les autres professionnels de l’établissement (16 %). Or, la capacité des familles de milieux populaires à orienter efficacement leurs enfants est souvent limitée par une connaissance moindre des filières éducatives et une diversité de métiers plus restreinte.

Par ailleurs, l’orientation des élèves issus des quartiers d’éducation prioritaire fait également les frais d’une certaine autocensure. Paru en 2014, l’ouvrage « Choix d’orientation et origine sociale : mesurer et comprendre l’autocensure scolaire » révèle que de nombreux élèves issus de milieux modestes limitent leurs aspirations en raison d’une estime de soi plus faible. Cette tendance est particulièrement visible chez les élèves de troisième, où seulement 50 % ont demandé à rencontrer un psychologue de l’Education nationale. Ce n’est pas tout : ces élèves sont également influencés par le contexte scolaire, qui les pousse, selon une étude du Cnesco, à s’orienter vers des choix « plus réalistes » ou des « métiers plus stables ».

Les inégalités sociales, une fatalité ?

Pour autant, les inégalités sociales face à l’orientation ne sont pas une fatalité. Pour Nina Guyon, chercheuse associée à Sciences-Po Paris, il faudrait informer les collégiens sur l’orientation dès la 6e pour les informer sur la palette des formations et des métiers existants, le but étant de leur donner le temps de mûrir leur projet et ce peu importe qu’ils choisissent une école d’aéronautique ou une école de commerce. C’est là que surgit l’importance de la mise en place de programmes comme Démo’Campus de l’Afev, qui vise à immerger des collégiens ou des lycéens dans des universités ou des grandes écoles, et donc à élargir le rayon des possibles.

Et puis heureusement que des structures spécialisées existent… Par exemple la Fondation Culture & Diversité créée en 2006 par Marc Ladreit de Lacharrière : cette structure joue un rôle clé dans la promotion de l’égalité des chances en France, en s’attelant à faciliter l’accès des jeunes issus de milieux modestes aux arts et à la culture. Pour y arriver, la Fondation Culture & Diversité a mis en place plusieurs programmes, au premier rang desquels citons le programme « Egalité des Chances ». Objectif annoncé : aider les étudiants issus de milieux défavorisés à intégrer des établissements d’enseignement supérieur dans les domaines des arts et de la culture, en leur offrant un soutien financier, mais aussi un accompagnement personnalisé.

Une représentation socio-économique disparate entre le public et le privé

La démocratisation de l’éducation fait débat en France, et pour cause : la question de la mixité sociale à l’école. En juillet 2022, une note d’information du ministère de l’Education nationale dévoile une réalité pour le moins contrastée : l’école publique est le refuge de nombreux élèves issus de milieux défavorisés, tandis que le privé attire plus largement les enfants de familles aisées. Au commencement de l’année scolaire 2022, 42,6 % des élèves du public sont des enfants d’ouvriers ou d’inactifs – un pourcentage qui éclaire sur le caractère socio-économique défavorisé de ces milieux. A l’opposé, cette proportion dégringole à 18,3 % dans le privé.

L’école privée est-elle un rempart de l’élite ? Les chiffres semblent l’indiquer. Les enfants d’enseignants, de cadres supérieurs, de chefs d’entreprise de 10 salariés ou plus ou exerçant une profession libérale (en somme, des milieux très favorisés) représentent 40,1 % du total des élèves du secteur privé. En comparaison, cette proportion n’est que de 19,5 % dans le public. Bien entendu, cette représentation socio-économique disparate entre le public et le privé pose la question de l’efficacité de nos systèmes éducatifs face à la mission d’offrir un enseignement accessible à tous. Comment combler ces fossés sociaux et faire en sorte que l’éducation devienne un véritable vecteur d’ascension sociale pour tous ? Le défi est immense, mais le débat est ouvert.

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