Olivier Jobard : la photographie au service de la mémoire et de l’exil afghan, mise à l’honneur par Marc Ladreit de Lacharrière
Le 9 octobre 2024, le Palais de l’Institut de France s’est transformé en un lieu de mémoire vivante avec l’exposition d’Olivier Jobard, lauréat 2022 du Prix Marc Ladreit de Lacharrière – Académie des beaux-arts. Intitulée Notre famille afghane, souvenirs d’une vie envolée, ladite exposition représente un travail minutieux de documentation et de témoignage sur l’exil et les souvenirs des Afghans. Olivier Jobard, connu pour son approche empathique et respectueuse de la photographie, a capturé l’intimité d’une famille afghane en quête de stabilité, de sécurité, et surtout, de dignité.
Pour ceux qui auraient encore des doutes, cet événement prouve une fois de plus que la photographie n’est pas qu’une simple image… Elle peut devenir un véhicule de mémoire collective, un témoin historique, et ici, une ode à l’humanité. Yann Arthus-Bertrand et Marc Ladreit de Lacharrière étaient présents, eux aussi touchés par la puissance des clichés d’Olivier Jobard. Et quand deux icônes de cet acabit se retrouvent côte à côte, c’est que l’on assiste à un moment fort ! L’artiste et le mécène, rassemblés, témoignent de l’importance de donner une voix et un visage à ceux que le monde oublie souvent…
Olivier Jobard, l’œil qui raconte la détresse et l’espoir
Olivier Jobard, simple photographe de passage ? Rien ne saurait être plus loin de la réalité… Né en 1970 à Paris, il a fait ses classes à l’école Louis Lumière, avant de rejoindre l’agence Sipa Press. Dès le début, son regard est attiré par les marges, les zones de conflits, là où les vérités crues se dévoilent sans fard. En 2000, il se rend à Sangatte et découvre une réalité qui le frappe, à savoir celle des exilés, des familles déplacées, des enfants sans repères. C’est cette rencontre qui sera le point de départ de son engagement pour une photographie à dimension humaine.
Là où d’autres se contentent de capturer des instants, Olivier Jobard choisit de tisser des liens, de bâtir une relation de confiance avec ceux qu’il photographie. Ce n’est pas juste une photo de plus pour lui, mais un engagement profond. Prenons l’exemple de Notre famille afghane : le photographe a passé une décennie à suivre Ghorban, un jeune Afghan arrivé en France en 2010, et sa famille. Leur trajectoire, faite de douleurs et de résilience, incarne ce que l’on pourrait appeler « la saga de l’exil ».
« Notre Famille Afghane », une histoire de fils tissés et de vis brisées
Avec Notre famille afghane, souvenirs d’une vie envolée, Olivier Jobard franchit une frontière émotionnelle et visuelle. Le projet, soutenu par le Prix Marc Ladreit de Lacharrière, raconte le parcours d’une famille afghane déracinée, éparpillée par la guerre et l’instabilité. En suivant Ghorban, qui a fui son pays pour rejoindre la France en 2010, et en retrouvant ses quatre frères et sœurs Aziza, Sima, Mehrab et Sohrab, rapatriés en France lors de la prise de pouvoir des Talibans en 2021, Olivier Jobard nous livre un récit poignant d’une famille en quête de nouvelles racines.
Le photographe ne se contente pas de figer des moments, il révèle l’âme des individus, le poids des souvenirs et la force du déracinement. Ces clichés sont une immersion dans leur quotidien, entre les souvenirs d’un Afghanistan aujourd’hui presque méconnaissable et leur adaptation difficile à une nouvelle vie. Pour Olivier Jobard, la photographie est un moyen d’individualiser la migration, de ne pas réduire les exilés à des chiffres. Dès lors, l’exposition agit comme une invitation à se mettre à la place de l’autre, à ressentir la solitude de l’exil, mais aussi l’espoir de reconstruire.
Une exposition soutenue par des géants
Présentée dans le cadre de la 13e édition du festival Photo Saint-Germain et de Paris Photo 2024, l’exposition est ouverte jusqu’au 24 novembre 2024 au Pavillon Comtesse de Caen, au Palais de l’Institut de France. Yann Arthus-Bertrand, grand nom de la photographie environnementale, était là pour soutenir Olivier Jobard et, avec lui, Marc Ladreit de Lacharrière, le mécène à l’origine de ce prestigieux prix de photographie.
Il faut ici rappeler que l’engagement de Marc Ladreit de Lacharrière pour la photographie dépasse le cadre de l’Académie des beaux-arts. Passionné d’art, de culture, il a fait de son prix un tremplin pour des talents capables de révéler des vérités souvent cachées. Ce prix n’est pas qu’une récompense, c’est un appel à raconter des histoires, à dénoncer, à sensibiliser. Et en cette année 2024, c’est le photographe Guillaume Herbaut qui a décroché la distinction pour son projet Ukraine, les blessures invisibles.
Une photographie qui parle et qui agit
Pour Olivier Jobard, la photographie est un acte d’engagement. « Je reste avec les gens aussi longtemps qu’ils veulent de moi », dit-il. Ce n’est pas seulement une déclaration, c’est une manière de travailler, une manière d’être. La photographie d’Olivier Jobard est un miroir tendu vers les laissés-pour-compte, un hommage aux invisibles.
Ce qui rend son travail unique, c’est sa capacité à transformer chaque image en un témoignage puissant. Au-delà des sourires, des larmes et des regards figés dans le temps, il y a une volonté de montrer l’humain, dans toute sa complexité, avec ses forces et ses failles. La relation de l’artiste avec les sujets qu’il photographie dépasse le cadre professionnel : il devient témoin de leur vie, de leurs combats, de leurs espoirs.
Le Prix Marc Ladreit de Lacharrière – Académie des beaux-arts, un prix pour célébrer et inspirer !
Depuis sa création, le Prix de Photographie Marc Ladreit de Lacharrière récompense des photographes au talent indéniable, mais surtout à l’engagement sincère. Ce prix se veut une tribune pour ceux qui choisissent de capturer des vérités, même quand elles dérangent, même quand elles bouleversent. En 2022, Olivier Jobard a incarné cet esprit. Cette année, c’est Guillaume Herbaut, avec son regard acéré sur l’Ukraine, qui reprend le flambeau.
Le choix de ces artistes par l’Académie des beaux-arts montre une volonté claire : donner à voir des récits qui comptent, qui touchent, et qui peuvent, peut-être, faire évoluer les mentalités. Car, en fin de compte, c’est bien là le pouvoir de la photographie, non ? Elle s’invite dans nos vies, s’ancre dans notre mémoire, et nous pousse à la réflexion.